Card Fighters Clash et quelques considérations sur l'équilibrage

Si vous me suivez vous n'êtes pas sans savoir que j'adore les jeux de cartes à collectionner, mais il y a une autre chose que j'adore également et ce sont les jeux de combats et leur mythologie. En particulier tout ce qui tourne de la fameuse rivalité entre Capcom et SNK, et plus spécifiquement la saga King of Fighters (dont le 15e opus de la série principale vient de sortir).

Pour ceux qui ne situent pas, en 1991 Capcom a redéfini le genre du jeu de combat - alors un genre très moyen à la grammaire approximative et balbutiante - avec le classique instantané Street Fighter 2 (après un premier épisode très passable). Tous les éditeurs ont alors décidé de s'engouffrer dans la brèche et proposer leur clone comme cela arrive généralement dans ce type de cas. L'un d'entre eux s'est particulièrement distingué : c'était SNK comme vous pouviez vous en douter avec son fameux Fatal Fury, décalque pas encore très inspiré de SF2. Dès lors les deux éditeurs n'auront cesse de se concurrencer à travers une saine émulation qui produira parmi les meilleurs jeux de combat conçus, avec notamment les mythiques Street Fighter 3 pour Capcom et Mark of the Wolves [plus ou moins Fatal Fury 5] pour SNK.

Au plus fort de leur rivalité, les deux éditeurs se sont mis d'accord pour créer plusieurs cross-over entre leurs licences principales. Si la quasi totalités des titres qui en ont émergé sont des jeux de baston, une exception notable a eu lieu, en la personne de la série Card Fighters Clash, qui est un JCC basé sur l'Univers partagé des deux firmes. Le 1er épisode, ou plutôt la duologie SNK/Capcom (comme pour les épisodes Pokémon) originale qui en a résulté, est sortie sur Neo Geo Pocket Color en 1999. N'ayant joué qu'à ce volet, je n'aborderai que celui-ci.

Le coeur du jeu est assez simple : on constitue un deck de 50 cartes à partir d'un panel de 300, et on affronte d'autres decks construits pareillement. Le jeu est très proche de Magic, en plus simple. Il n'y a que deux types de cartes : personnages (comparable aux créatures de MtG) et actions (comme les rituels), réparties entre 5 niveaux de rareté. Les personnages peuvent attaquer l'adversaire, et leur point d'attaques font autant de dégât à l'adversaire, qui s'il passe à 0 points de vie ou moins perd la partie. L'adversaire peut bloquer avec ses propres personnages, comme à Magic, mais seulement avec une créature par attaquant. Tous les dégâts bloqués ne vont pas sur le joueur défenseur, même si l'attaquant était plus puissant que le bloqueur.

C'est franchement joli.

Les personnages ne fonctionnent pas exactement de la même façon néanmoins. Leur points d'attaque [BP] constitue également leur endurance, et lors d'un combat les personnages s'enlèvent mutuellement autant de BP respectivement que celle de leur adversaire. Logiquement, quand un personnage n'a plus de BP, il meurt. Un dernier détail d'importance : chaque joueur ne peut contrôler que 3 personnages en même temps.

De la même façon, les personnages n'ont pas de coût, et à la place ont une valeur de SP, allant de 0 à 5. Les SP sont la ressource principale du jeu, et chaque personnage en fournit définit par sa valeur de SP en arrivant en jeu. Les SP servent à deux choses : jouer des actions, ou activer le "super piétinement". En gros quand vous attaquer, vous avez le choix de faire une attaque simple ou combinée avec deux ou trois personnages. Dans le cas d'une attaque combiné, l'adversaire bloque le bloc de personnage comme un seul, et tous les dégâts dépassant les BP du bloqueur sont assignés au joueur défenseur. L'attaque à deux personnages coûte 5 BP tandis qu'à trois elle coûte 10 BP.

Les personnages n'ayant pas de coût et n'ayant pas d'autre source de revenue, on peut estimer que leur SP constitue une sorte de coût inversé. En gros, virtuellement chaque tour vous gagnez plus ou moins automatiquement 5 SP et les personnages vous ponctionnent la différence de leur SP. Cependant, vous ne gagnez rien si vous ne pouvez pas jouer de personnage, ce qui peut arriver souvent si votre board est plein (d'où l'intérêt du super piétinement pour forcer votre adversaire à bloquer et ainsi tuer vos personnages les plus faibles).

Or les personnages ne sont pas égaux, loin de là. Les personnages des rangs les plus bas ont à la fois peu de BP et de SP, ni aucune capacité généralement. Seuls les personnages des trois rangs les plus hauts ont à la fois capacités, BP et SP. Dès lors se pose la question :  pourquoi introduire autant de cartes si plus des 3/4 s'avèrent totalement inutiles ? Quid de la diversité si une poignée seulement s'avère indispensable ?

Le fan-service est néanmoins au rendez-vous.

 

C'est un reproche qui revient régulièrement dans les JCC mais qui culmine à un niveau caricatural ici : si l'essentiel des cartes non-rares sont médiocres, quel intérêt de les publier ? C'est un gâchis de temps, de ressource et de place pour tout le monde.

A ceci s'ajoute un autre soucis ici : si toutes les cartes ne coûtent rien, à quoi bon jouer celles qui sont médiocres ? C'était un défaut de Yu-Gi-Oh, où les cartes étaient gratuites. Pour compenser cela, ils avaient ajouté des mécanismes de sacrifice de monstres pour rendre plus coûteux les monstres les plus forts. Ici ce n'est pas le cas, et seul le grind vous permettra de mettre la main sur des créatures les plus puissantes, ce qui fait qu'arrivé à haut niveau tous les deck se ressemblent.

Néanmoins le jeu n'en reste pas moins divertissant voire même assez addictif, mais il fait poser la question du "à quoi bon ?" moins tard qu'on ne le souhaiterai. Sachez qu'il est ressorti sur Switch à un prix dérisoire (8€) et qu'il pourra vous accompagner des dizaines d'heures. On reprochera l'absence de mode en ligne qui aurait pu rallonger significativement la durée de vie. On notera enfin que le joli est très joli et toujours très lisible ce qui est en soit un exploit vu son support d'origine.

Le mode link sur un écran unique de la Switch est assez indigeste.

 

Bref, c'est un jeu formidable mais avec tous les défauts des JCC poussés à leur paroxysme, et est un de mes jeux préférés sur lequel je peux passer une cinquantaine d'heures sans aucun problème.