There's a Zulu on my stoep aka Yankee Zulu aka le délicat travail de la réconciliation à base de blagues de caca

Ce week-end je suis allée faire des courses et je me suis achetée une bouteille de Coca en verre pour me récompenser. En la buvant chez moi je n'ai pas pu m'empêcher de penser au désagréable "Les Dieux sont tombés sur la tête" que j'avais vu enfant et j'ai eu besoin de me renseigner dessus pour me confirmer ou non si le film était bien raciste [Spoiler, oui, au moins un peu]. En consultant Wikipédia (oui, je me renseigne essentiellement sur WP et j'assume totalement), on me renvoyait alors à l'intriguant "There's a Zulu in my stoeps". Intrigant car je dois admettre que, pour le film ayant été le plus grand succès au box-office en Afrique du Sud, le résumé en décrivait quelque chose d'assez baroque. Lasse, je décidais alors de vérifier ça de mes propres yeux. Mais je vais développer.

L'histoire commence durant l'Apartheid en Afrique du Sud, avec deux enfants qui sont amis, un blanc nommé Rhino et un noir nommé Zulu. Je ne sais pas dans quelle mesure cette situation est crédible, connaissant assez mal le contexte sociologique de l'époque, mais on va admettre que dans les bush où l'action se passe que ça soit possible.

Ceci est le prélude d'une délicieuse blague de caca.

 

On commence tout de suite avec cinq bonnes minutes de blagues de caca, ce qui présage toujours du bon. Et sans crier gare, la copine américaine de Rhino, Rowena, oblige ce dernier à faire Guillaume Tell avec un fusil sur la tête de Zulu, ce qui met brutalement fin à leur amitié.. La propension de ce film à mélanger le scato aux plus gros traumas est démontré dès son début, et cela ne s'arrêtera plus jusqu'à la fin, mais j'anticipe.

Le temps passe et une vingtaine d'années plus tard, on se retrouve dans le présent d'alors, en 1993, soit à peine deux ans après la fin de l'Apartheid. Zulu est déporté des USA suite à des vols de voitures, tandis que Rhino a adopté une jeune enfant noir du nom de Tinkie. Ces derniers, qui semblent diriger une réserve, nous gratifie d'un des pranks les plus hardcores du film qui vous verrez n'en manquera pourtant pas, puisqu'ils font croire à un braconnier qu'il s'est fait manger les jambes par un lion. Ca plaisante pas quand ça plaisante; mais au moins ça lui fera les pieds (moi aussi je suis hilarante).

Toi aussi fait une blague à tes amis et fais-leur croire qu'ils ont été amputés.

 

De son côté, Rowena est sur le point d'épouser un allemand néo-nazi à l'accent tellement caricatural que je suis presque déçue que son personnage ne s'appelle Dr Otto Von Kartofel, mais non, il faudra se contenter du sobre sobriquet "Captain Diehard" (après va savoir, c'est peut-être son vrai nom), et qui dirige une organisation fasciste nommé TIRD, avec salut rigolo pseudo hitlérien de rigueur.  Diehard est chargé d'escorter Zulu (où ? C'est pas très clair), mais ce dernier parvient à s'enfuir en lui volant son billet gagnant du Loto.

Il tombe instantanément sur Rhino qui le reconnaît tout de suite, et par un tour de passe-passe narratif complètement forcé, ils décident de partager le ticket gagnant. Ils partent donc à la télévision pour chercher leur lot.

Quand soudain, le Prince Charles.

C'est le Prince Charles. Si si, puisque je vous le dis.

 

Oui, je sais, c'est n'importe quoi, ça n'apporte strictement rien narrativement à l'intrigue, mais dites-vous qu'à présent le Prince Charles (et surtout son fils aîné William (sans Harry, curieusement)) est un personnage à part entière de ce film. Cherchez pas.

Une fois les deux larrons arrivés à la télévision, ils empochent le chèque pendant que Rowena et Diehard les poursuivent. Pour leur échapper, ils adoptent un des procédés les plus honteux du film puisque Zulu se déguise en baron blanc et Rhino en son serviteur noir. Curieusement, malgré le côté "discutable" de la chose, cela débouche sur les gags les plus drôles et inspirés du film (oui je sais c'est bizarre mais c'est comme ça). Pendant ce temps là, à une séance de "Maman j'ai raté l'avion" qui se révélera particulièrement méta plus tard , Tinkie sympathise avec le jeune prince William (qui, je le rappelle quand même, pourrait être n'importe qui d'autre sans que ça n'impacte l'histoire).

Zulu et Rhino se font ensuite inviter par Rowena à une fête nazi du TIRD dans sa petite demeure, mais après avoir fait un peu n'importe quoi ils sont démasqués et suspendus aux dessus des crocodiles. Tinkie et le jeune prince décident alors de se la jouer Kevin Macalister en tendant des pièges tous plus psychopathiques les uns que les autres aux deux affreux, dans une scène de torture porn qui dure quand même un bon quart d'heure. 

Si vous faite une farce à quelqu'un et qu'il n'a pas au moins cette tête c'est que vous vous y prenez mal.

 

Quelques péripéties sans grand intérêt plus tard (dont une discussion avec un éléphant parce que pourquoi pas), les méchants sont vaincus et Zulu devient le nouveau père de Tinkie, yadi yada, elle a maintenant deux papas no homo on est dans les 90's.

Qu'en retenir ? Et bah assez étonnamment, malgré la dinguerie ambiante du script ça marche plutôt bien, on s'amuse assez, les gags les moins primaires fonctionnent très bien, les acteurs sont excellents, et la réalisation sans être particulièrement brillante est efficace et le rythme est soutenu sans être hystérique. Formellement c'est un sans faute.

Sur le fond, cela laisse une impression un peu étrange. On a le sentiment tenace que la sortie récente de l'Apartheid a plongé le pays dans un genre d'amnésie collective. Le racisme d'état est évacué, avec les seuls personnages racistes du film étant étrangers (allemand et américain), il y a un relativisme total sur la question des différences raciales, le blanc et le noir pouvant évoluer de l'un vers l'autre de façon presque anodine; et que même sous l'Apartheid finalement c'était pas si difficile d'être amis malgré la couleur de peau.

On pourra néanmoins placer ça sous le signe d'une certaine naïveté emprunt de l'enthousiasme dû à la réunification récente du pays, et on ressort au final du film avec une certaine bienveillance à son égard, car même si c'est un peu grotesque, cela semble fait sans mauvaise esprit.

Bref, c'était pas si mal.