Interview : Jeux-vidéo, Addiction & Minecraft

Récemment mon bon ami (humhum) Coco m'a interviewée sur mon rapport à Minecraft, et tout ce que ça entourait. Voici leur histoire.

 

I/ Partie 1 : L'Addiction


Coco : Alors pour situer un peu le contexte, on se connaît depuis longtemps, du coup j'vais parfois poser des questions un peu cavalières, mais j'vais essayer de pas rentrer trop dans l'intime. Sans plus attendre, ma 1ère question : est-ce que tu crois qu'il y existe une addiction au jeu-vidéo ?

Vio : Je pense que le jeu vidéo c'est un peu comme tout, ce qui est important c'est de savoir garder une certaine mesure. Quand ton hobby prend le pas sur tout le reste de ta vie, c'est là qu'il y a un problème. Je ne pense pas que le jeu vidéo ce soit plus un problème que d'autres choses. Ce qu'il y a dans le cadre du jeu vidéo c'est que il y a quand même souvent, surtout dans les jeux modernes, des mécaniques de captation. Notamment tout ce qui - comment tu dirais ?

C: En gros tout ce qui est fait pour t'inciter à jouer, te montrer que tu pourrais jouer des dizaines et des dizaines d'heures, ce serait pas fini, dire « il y a encore ça a faire »...

V: C'est ça, c'est que beaucoup de jeux, surtout ce qui est du marché mobile, et tout ce qui est micro-transactions etc., fonctionnent sur le principe de la sucette. Donc on va avoir des trucs avec des courtes sessions qui vont inciter le joueur à y revenir le plus possible. Et certains jeux ont une économie qui fonctionne uniquement comme ça. Et je pense que c'est assez malsain, et ce n'est pas forcément représentatif du marché du jeu vidéo mais c'est représentatif de certaines pratiques qui sont assez malsaines.

C: D'accord, merci. J'aurais une autre question à te poser. Donc, c'est dû à certaines mécaniques du jeu vidéo mais cette addiction ça peut aussi exister en dehors de ces cadres là ?

V: Oui, après il y a des cas extrêmes, mais c'est comme partout, quand un abruti va voir Kaamelott 250 fois est-ce qu'on peut dire que tous les mecs qui vont voir Kaamelott sont assez débiles pour se taper 250 fois la même séance ?

C: Oui, par exemple quand tu aimes bien un jeu, même si c'est un jeu qui a un début et une fin, même si il y a quelques easter eggs, tu peux pas faire 10 000 trucs, ça aussi, par exemple – bon je vais citer un exemple précis : Yuppie Psycho, tu l'as probablement recommencé 4 ou 5 fois quoi. Bon ce n'est pas assez pour parler d'addiction mais au total ça représente quand même 30/40h de jeu quand tu cumules tout.

V: Oui mais après, encore une fois, les heures de jeu tu les répartis comme tu veux. Si tu les fais en 3 jours, là effectivement on peut estimer que tes pratiques de jeu sont potentiellement malsaines. Si t'étales ça sur 2 semaines, t'auras passer pas mal de temps mais de façon équilibrée sûrement.

C: D'accord. Et dans ton cas précis ; bon je fais un peu à la fois les questions et les réponses, je fais des questions orientées donc n’hésites pas à sortir du cadre si tu veux. Mais dans ton cas précis, je sais que tu as tendance à jouer beaucoup aux jeux vidéos, mais telle que je te connais, je pense que si ce n'était pas les jeux vidéos ça pourrait être autre chose, par exemple des trucs un peu moins connotés comme la lecture, je pense que tu pourrais trouver autre chose où tu passerais beaucoup de temps au dépend du reste. Est-ce que tu es d'accord pour dire que si ce n'était pas le jeu vidéo, il y aurait forcément d'autres activités ? Ou alors est-ce que tu penses qu'il y a vraiment un truc qui est spécifiquement lié aux jeux vidéos dans ton cas ?

V: Le truc, moi, quand j'étais jeune, on avait pas le droit de jouer aux jeux vidéos au delà de quelques heures par semaine. Et quand je dis quelques heures, c'était une heure tous les week-ends. Donc ça représentait pas grand chose, c'était un peu martial. Pour faire des gros RPG c'était compliqué. Du coup j'avais des dimanches un peu longs et vides, où parfois je passais tout mon dimanche à faire des puzzles. Ça me faisait chier mais tout mon dimanche je faisais un puzzle et, bah écoute, j'avais rien de mieux à faire. Et moi j'ai grandi à une époque où Internet était pas du tout la norme, d'ailleurs j'ai eu mon premier ordinateur personnel, j'avais 20 ans, et les smartphones existaient pas vraiment (j'en ai toujours pas ceci dit). Du coup, clairement, on passait le même temps sur ce genre de trucs que sur les supports dématérialisés maintenant. Du coup, j'ai quand même pas mal lu, j'ai aussi réussi à chopper des consoles portables quand même pas trop tard, donc vers mes 13/14 ans. J'ai passé beaucoup de temps sur les consoles portables et mes parents ne savaient pas que j'en avais. Mais fondamentalement, je n'y passait pas mes journées. Sauf si je n'avais rien d'intéressant à faire du week-end, et ça dépendait aussi de mes piles, mais j'avais trouvé des combines pour avoir des piles pas trop cher.

C: Le fait d'en avoir été privée longtemps, tu penses que ça a développé ton appétence pour les jeux vidéos par la suite ? C'est à dire ton goût pour ça, parce que quand t'es privé de quelque chose ou que tu peux très peu en faire pendant des années...

V: Non, j'ai toujours été fan des jeux vidéos en général. Après est-ce qu'il y a eu une frustration due au fait de ne pas en avoir eu pendant longtemps, pas tellement parce que au final, je n'ai pas eu de comportement plus excessif le jour où j'ai eu le droit de jouer aux jeux vidéos autant de temps que je voulais, au final. Donc, si vous voulez mon avis, instaurer des règles de temps ça peut être utile mais ça n'a pas vraiment d'intérêt tant qu'il n'y a pas de constatation d'excès ; faire ça préventivement ça n'a aucun sens. J'aurais probablement beaucoup plus joué aux jeux vidéos que je n'y ai joué maintenant, mais je ne pense pas que j'y aurais joué tellement plus au final.

C: OK, très bien. Une autre petite question que je voulais te poser : C'est vrai que tu jouais beaucoup, surtout pendant les périodes où tu n'étais pas en activité, quand tu étais à ton 1er taf par exemple –

V: Là tu sautes complètement d'époque -

C: Avant ce taf, t'as aussi eu une période où tu étais en apprentissage pendant longtemps. Quand tu étais en apprentissage, que tu avais une grosse activité, tu avais tendance à jouer beaucoup à côté ou ça c'est vraiment développé ..?

V: Non, pas vraiment. Je jouais assez peu, je jouais sur mon temps libre mais au final je n'ai pas vraiment joué particulièrement plus que ça.

C: Est-ce qu'il y avait des fois où ça pouvait impacter sur ton travail ? C'est à dire, tu passais ta nuit à jouer donc t'étais éclatée le lendemain?

V: Non, en général je jouais parce que ça n'allait pas à la base. C'est pas le fait de jouer qui avait une conséquence néfaste. C'était plutôt révélateur de mon moral général, on va dire.

C: Mais après, ça t'était arrivé de passer des nuits à jouer à des jeux et tout ?

V: Bien-sûr.

C: Parce que même si c'était un symptôme, et non pas une cause, ça crée aussi d'autres effets.

V: Après il y avait un moment où, moi je sais, par exemple, quand je jouais à Zelda 64, je me levais la nuit pour y jouer parce que, tellement j'étais happée par le jeu et que je voulais avancer. C'est pas une période où ça allait si mal que ça dans mes études, là je devais être en 4e ou quelque chose comme ça donc... Je n'y ai pas passé tellement de temps non plus, d'ailleurs, au final. C'est vraiment d'autres jeux qui m'ont fait accrocher et me relever la nuit.

C: Après ça, ça peut aussi arriver sur certains bouquins.

V: Oui mais les bouquins ce n'est pas pareil, parce que les bouquins ils ont une fin, si j'ose dire. Un bouquin, on le commence et ¾ jours après, il est fini. Un jeu vidéo, c'est pas aussi linéaire que ça.

C: Et puis, je ne suis moi-même pas spécialiste du sujet, mais bon tout ce qui est sur écran, ça encourage tout ce qui est phénomène de réveil, tout ça, tu sais genre tu peux t'endormir en lisant un bouquin, tu peux aussi t'endormir en jouant à un jeu mais vu que t'es actif, c'est plus facile de passer des nuits blanches sur un jeu quoi. Parce que c'est des mécanismes qui font que ça te donne des boosts, tout ça.

V: Tu parles d'adrénaline, de choses dans ce goût là ?

C: Ouais.

V: Ouais ça dépend, tous les jeux ne sont pas des activateurs de sérotonine ambulants.

C: Mais en tout cas, même si ce n'était pas une cause d'un mal-être mais plus un symptôme, et personnellement, si dans les périodes où tu te sentais mal, tu n'avais pas joué, ça aurait certainement été autre chose, donc ce n'était pas fondamentalement une chose importante. Mais en revanche, là tu me corriges si je me trompes, effectivement, même si ce n'était pas une cause ou un symptôme, le fait que tu te retrouvais à jouer, tout ça la nuit, prenait ça sur ton temps libre, ça pouvait quand même avoir un impact sur comment ça se passait à ton taf et tout quoi.

V: Évidemment, ça avait une conséquence, c'est que en général, j'étais fatiguée parce que je ne dormais pas. Mais d'un autre côté, ça n'aurait pas été ça, ça aurait été autre chose donc c'était plutôt une chose que j'aurais fait sur mon rythme de travail qui faisait que j'étais décalée, mais c'est pas parce que c'était les jeux vidéos en particulier. C'était plus que j'avais besoin de faire quelque chose pour m'occuper la nuit parce que je n'avais pas envie de dormir. Et d'ailleurs je passais beaucoup plus de temps sur Internet de manière générale plutôt que sur les jeux vidéos en soi.

C: C'est vrai qu'on pourrait parler aussi de l'addiction sur Internet, parce que Internet aussi c'est sans fin. Plus encore que les jeux et en un sens c'est encore pire. Mais je ne sais pas à quel point les mécanismes sont proches entre un peu être « addicte » à Internet ou être addicte aux jeux. Mais là on s'éloigne un peu du sujet.

 

II/ Partie 2 : Minecraft


C: Maintenant on va un peu recadrer, mais ce qui s'est passé, quand tu as commencé Minecraft, est-ce que tu peux me rappeler dans quel contexte on était ? Dans quel contexte tu étais, toi, dans ta vie ?

V: Alors moi, dans ma vie, ça n'allait pas très fort. Est-ce que c'était avant ou après mon 1er taf ?

C: C'était après.

V: Je pense que c'était avant mes trois huit, non ? Moi je pense que j'étais dans une période de long chômage. Ça faisait déjà 2/3 ans que j'avais pas bossé, c'était il y a 4 ans je pense. J'étais à une période où je jouais à des jeux mais auxquels je ne passais pas beaucoup de temps. Et il y avait Minecraft, sur Vita, et c'était une période où je jouais pas mal à la Vita, et je me suis dit « Je vais jouer à Minecraft sur Vita, c'est un truc, je vais tester, je pense, je vais le tester et je vais le jeter ». Et résultat des courses, j'ai fait que ça pendant 5/6 mois, et j'ai pas passé un excellent moment, globalement.

C: Tu disais, quand tu as commencé à jouer à Minecraft, à vraiment y jouer j'entends, tu étais dans quel contexte ? Tu en étais où dans ta vie ? Que ce soit au niveau de ta vie professionnelle, sentimentale, privée... Dans les détails que tu veux, mais tu étais dans quel état d'esprit ?

V: Bah écoute, moi ça faisait plusieurs années déjà que j'étais au chômage ou que j'avais pratiquement pas d'activité salariée, et que je traînais chez mes parents à rien faire à plus de 20 balais passés, je pense même que j'avais déjà plus de 30 ans, et c'était pas la méga pêche. Je ne sortais pas beaucoup de chez moi, j'avais le moral un peu dans les chaussettes, c'était pas la méga joie. Je ne voyais plus personne, et j'étais, en plus, en tout début de transition de genre, probablement; donc gros moment de flottement.

C: Oui, c'est vrai qu'il y avait cet aspect là qui jouait aussi quoi, t'étais en plein début de transition et c'était un sujet qui était vraiment très « touchy » avec tes parents, et vu que tu étais obligée, pour des raisons économiques, tout ça, de rester chez eux... je suppose que ça devait pas mal t'empoisonner aussi. Bon je fais à la fois les questions et les réponses mais si tu n'es pas d'accord avec cette assertion n'hésite pas.

V: J'étais pas outée auprès de mes parents donc c'était pas le soucis. Mais bon, en gros la situation n'était pas folle.

C: Et comment ça s'est passé, t'as commencé à jouer à Minecraft comment ?

V: En fait, j'étais dans une période où je testais pas mal de jeux, j'en avais acheté plein, j'avais tendance à acheter des jeux pas chers, le plus que je pouvais, en essayant quand même d'y aller avec un minimum de goût, on va dire. Mais voilà, si je voyais un jeu sur DS à 5€, souvent, ça m'intéressait, on va dire. Bref, donc j'avais acheté pleins de jeux.

C: Il y avait aussi une frénésie d'achats compulsive.

V: Oui, il faut savoir que je n'avais plus un rond ; c'est vrai que je ne l'avais pas dit tout à l'heure, mais je n'avais plus un rond, et le peu d'argent que j'avais, je le claquais dans Magic ou en jeux vidéos. Donc c'était pas la folie non plus au niveau de la thune. Et donc, j'avais acheté pleins de jeux, mais quand je dis pleins de jeux, je parle de plusieurs centaines de jeux hein, d'ailleurs j'ai fait une liste, j'ai plus de 2000 jeux chez mes parents que j'ai acheté en une trentaine d'années à acheter que ça pratiquement, à travers les braderies, brocantes, cash-convertor, j'achetais presque mes jeux au poids bref c'était complètement obsessionnel; et j'étais dans un mood où je voulais tester des jeux. En tester pas le plus possible, mais en tester pas mal quand même. Et je m'étais dit, en voyant la cartouche Minecraft sur PS Vita, Je me suis dit « ça va être un portage bâclé, ça a pas super bonne réputation, je vais y jouer et le lâcher au bout de 2h ». Et en fait c'est tout l'inverse qui s'est passé, 6 mois plus tard j'étais encore dessus.

C: T'y jouais combien de temps par jour, en général, ou par semaine ? Même si, je me doute que ça variait d'un jour à l'autre. T'as eu une période, si j'ai bien compris, de 4/5 mois où t'y jouais énormément, c'était quoi tes fréquences de jeu ? A la louche ?

V: Quand j'ai commencé à être vraiment accrochée dessus, j'y jouais une bonne dizaine d'heures par jour.

C: Ah oui, quand même 10h par jour c'est quand même beaucoup. Et quel était ton état mental ? Est-ce que tu te sentais vidée ? Quel effet ça a eu sur toi psychiquement, mentalement, comparé au temps normal ?

V: Ça n'avait pas une conséquence si drastique que ça par rapport au reste, c'est genre que je faisais plus que ça, juste.

C: Ouais donc, t'étais zombifiée en quelque sorte.

V: J'irais pas jusque là parce que j'avais une pratique relativement active du jeu, on va dire. Mais je n'avais rapidement plus de plaisir à y jouer.

C: Et c'était avant ou après le confinement, ça ?

V: C'était avant le confinement.

C: Oui parce que, même si on était ensemble à ce moment là on n'avait pas des rapports aussi étroits que maintenant donc c'est vrai que j'avais un peu sous-estimé l'importance de ça, quoi. Quand tu m'en parlais j'avais tendance à rigoler, mais je me suis plus un peu inquiété vers la fin. J'avais menacé de péter ton truc !

V: Oui, je m'en souviens.

C: Je regrette de ne pas l'avoir fait.

V: T'as pas intérêt à le faire.

C: Pourquoi pas, c'est pour ton bien, imagine je deviens alcoolique ou je deviens violent avec une pipe à crack, si un jour tu me pète ma bite à crack (lol) (sic)

V: C'est pas comme ça que ça marche les cures de désintoxication.

C: Oui je sais, mais … (raclement de gorge). Mais oui on va entrer un peu plus dans le détail, tu disais que ça n'avait pas trop un effet sur toi, au final, mais 10h c'est quand même énorme.

V: A la louche, hein.

C: 10h c'est quand même énorme, du coup tu ne sortais plus ? Quel impact ça avait sur ta vie, tout ça ?

V: En fait, j'étais déjà dans une période où je ne sortais plus vraiment, donc de toute façon... Ce qu'il faut voir c'est que ça ne m'immobilisait pas chez moi. Si j'avais des trucs à faire, je les faisais.

C: Et avec tes parents, ça se passait comment ?

V: On avait des rapports assez distants, en fait, le fait que j'étais chez eux pendant des années sans véritable perspective d'évolution avait conduit chez eux à beaucoup de défaitisme et de résignation de leur part on va dire.

C: Et qu'est-ce qui t'as fait arrêter Minecraft ?

V: Qu'est-ce qui m'a fait arrêter Minecraft ? C'est une bonne question.

C: Tu as arrêté du jour au lendemain, comme ça ?

V: J'ai saturé. J'ai saturé, j'ai arrêté deux fois Minecraft. J'ai arrêté une première fois parce que j'ai dit « stop, j'en peux plus ». J'ai fais d'autre choses pendant 2/3 mois et puis j'ai voulu reprendre. Et au bout de quelques semaines ça m'est retombé dessus, le fun était complètement parti. En plus j'étais dans une période où je n'avais plus de bois, et je n'arrivais pas à en faire pousser. En fait j'avais épuisé les ressources naturelles de l'île.

C: Est-ce que ça t'as fait un peu réfléchir sur le fait que, quand même, c'est 6 mois où tu n'as rien fait d'autre que Minecraft, Bon je veux dire, je peux comprendre, la vie c'est dur, tout ça, si ça n'avait pas été ça ça aurait été autre chose, gnagnagna, bon, mais sarcasme mis à part, est-ce que tu te dis que 5 mois, 6 mois, à ne faire que ça, maintenant c'est terminé mais il faut éviter que ça se reproduise quoi. Même pour toi, ça ne te fait pas du bien.

V: C'est là que je me suis rendue compte que les jeux à monde ouvert avaient tendance à me répulser, en fait. J'ai besoin d'avoir un cadre de jeu, dans l'absolu, et ça c'était un peu le contraire de ce que proposait Minecraft. Et c'est là que je suis arrivée à la conclusion que les jeux à monde ouvert ce n'était pas fait pour moi.

C: Tu dirais que ce qui fait que tu es vraiment restée accrochée là-dedans, et que ça ne te sois pas arrivé dans d'autres jeux, c'est uniquement parce que les autres jeux étaient des jeux fermés et des jeux finis.

V: C'est un facteur, effectivement.

C: Tu dirais que c'est l'unique facteur, c'est ça ? Parce que bon, je t'ai vu, je sais que quand un jeu te plaît bien, ça t'arrive des fois d'y jouer énormément, d'y rejouer, tout ça, d'y passer beaucoup de temps, mais même si c'est au bout de plusieurs jours, au bout d'un moment, tu finis par le rincer. Est-ce que c'était vraiment ça la différence fondamentale ou est-ce qu'il y avait d'autres biais ? D'autres éléments ? Qui peuvent être dus soit au jeu en lui-même, soit à ton état mental à ce moment là, à l'état dans lequel tu te trouvais.

V: L'état mental, forcément, a une influence certaine, mais je pense que c'est plus sur les mécanismes de récompense du jeu en lui-même. Je pense que Minecraft c'est un jeu qui redonne un shoot d'adrénaline en permanence avec une récompense systématique, permanente. Et il y a la joie de l'exploration, de découvrir de nouvelles choses, même si ce n'est pas la même chose que dans un monde ouvert, mais c'est très satisfaisant en terme de découvertes. Il n'y a pas vraiment de jeu dans Minecraft, c'est de l'exploration pure. Du coup il y a une addiction qui se forme auprès de la découverte, en fait.

C: Enfin, je te demande, après je ne sais pas à quel point tu es entièrement honnête quand tu réponds.

V: Je suis honnête.

C: Je pense que tu es honnête, mais je te demande : « Oui, ça n'a pas eu un impact, quand même, tu ne te sentais pas aspirée dedans, ce genre de choses, ça ne te zombifiait pas un petit peu ? », c'est pas du sensationnalisme, mais en gros, t'es juste entrain de me dire « Ouais, au final ça ne me faisait pas grand chose, je faisais mes 8, 9h quotidiennes, mais le reste du temps je sortais, je faisais des trucs » tout ça.

V: Je sortais quand j'avais des obligations, quoi.

C: Oui, quand tu avais des obligations. Mais c'est vrai qu'il y a aussi un facteur, par exemple -

V: Je sortais plus que maintenant, presque.

C: C'est vrai, mais passer tes journées à jouer à un jeu sans plaisir, ça a un côté quand même assez... Jouer à un jeu où on a pas de plaisir, juste par habitude, c'est un processus qui est quand même très intéressant. Genre, pourquoi tu fais ça ? Tu me diras, moi aussi, pourquoi je passe du temps sur Internet, ce genre de truc.

V: Mais parce que j'avais rien de mieux à faire.

C: Tu devais pas chercher du boulot ?

V: C'était pas suffisamment intéressant. J'étais dans un état de stress et de détresse globale qui fait que je ne croyais plus en rien et donc chercher du boulot, j'y croyais plus, et toutes mes expériences s'étaient soldées par des échecs cuisants donc je me suis réfugiée dans les jeux vidéos.

 

III/ Partie 3 : Anxiété


C: Donc au final, Minecraft c'est comme un peu le reste, c'était plus un symptôme qu'autre chose. Après ça a sans doute eu une influence néfaste dans le sens où ça a ralenti toute tentative de reprise en main, et ça t'a enfermée dans une bulle, mais ce que je veux dire c'est que c'était aussi un refuge. Et au final, là où ça aurait été dangereux pour ta santé, c'est si genre t'y jouais toute la nuit, tu ne te nourrissait plus bien, ce genre de trucs, que tu bouffais n'importe quoi et que tu rejouais, toi il y avait ça ou ça l'a pas trop fait ?

V: Non, j'avais un régime à peu près stable.

C: C'est un peu le sentiment que j'avais quand on parlait, que par rapport à maintenant tu cuisinais plus.

V: Oui. Je m'occupais plus de moi que maintenant. Alors que je ne suis pas dans une période d'addiction, je pense que je suis dans un plus sale état que quand j'avais une addiction à Minecraft.

C: Et pourquoi, qu'est-ce qui se passe maintenant ? C'est les médicaments tu penses ?

V: Non, je pense que c'est en grande partie dû aux confinements, qui ont augmenté toutes mes anxiétés.

C: C'est vrai qu'il y a eu les confinements, et aussi, tu es dans un autre contexte, à l'époque où tu étais chez tes parents, là tu étais un peu en autarcie, c'était devenu très distant, donc t'étais obligée de te nourrir de temps en temps, tout ça. Alors que maintenant, on peut te faire à manger, ce genre de choses.

V: Même sans ça je me ferais moins à manger. Quand je suis restée seule l'été dernier, je ne me suis pas beaucoup nourrie.

C: Donc, on parlait du sujet de l'addiction en général.

V: Je ne suis pas très sensible à l'addiction en général. Je n'ai pas tendance à être très réceptive à tous les mécanismes d'addiction.

C: Un peu quand même.

V: Non.

C: Disons que, bon le terme est un peu fort, mais je pense qu'il y a certains éléments où tu as des névroses, dans le sens où, tiens : Cookie Clicker, tu veux absolument le faire, tu veux absolument garder tes onglets, je pense qu'il y a ça qui joue. Mais c'est vrai que des addictions au sens strict, je ne pense pas que tu en ai tant que ça.

V: Ce n'est pas des addictions ça, c'est des névroses, c'est pas pareil.

C: Oui, c'est ce que je viens de dire, c'est pour ça que l'addiction au sens strict, je ne pense pas que tu y sois plus que ça sensible, en effet.

V: Ouais.

C: C'est vrai que c'est intéressant parce qu'on peut parler du fait d'avoir vraiment trop joué à un jeu vidéo, mais c'est vraiment quelque chose qui est spécifique à ton expérience. Évidemment, c'est souvent ça qui joue, les gens qui passent vraiment énormément de temps dans certains jeux, dans un monde ouvert, c'est dû, comme tu dis, à la fois aux caractéristiques du jeu, genre jeu monde ouvert, tout ça, ça peut être dû, aussi, à une nécessité de refuge quand ça ne va pas très bien dans la vie à côté, dans ton cas ça a joué.

V: Je pense qu'effectivement, il ne faut pas négliger le côté refuge du jeu.

C: Ouais. Mais c'est vrai que c'est un truc qui joue pour pas mal de gens, le côté refuge, mais je pense aussi à une des vidéos, je pense que tu vois laquelle, de tu sais celle où le Joueur du Grenier (*) parle de son addiction à WoW (pas celui-là). Et c'est assez amusant parce que la manière dont ça s'est fait pour lui, ça a quand même l'air très différent de la manière dont ça s'est fait pour toi. Bon après le Joueur du Grenier, je ne le connais pas, mais je pense qu'à mon avis, même s'il ne le dit pas vraiment, je pense qu'à cette période de sa vie, c'était une période où il était plus influençable, et il se cherchait plus que maintenant, je pense que ça joue un petit peu le côté « tu trouves une échappatoire dans un autre monde », mais lui il parlait un peu surtout des interactions sociales qu'il y a dans les MMORPG. Le fait que t'avais des guildes, t'avais de la pression, t'avais comme une communauté qui s'était créée avec tout ce que ça pouvait avoir de toxique. Donc lui c'est vraiment autre chose, qui pour le coup, ne se rapporte pas à ta situation.

V: Non, parce que moi c'était une expérience solitaire, pour le coup.

C: Oui, c'est ça.

V: De toute façon je n'aurais pas joué à un truc avec une expérience multi parce que ça ne m'intéresse pas.

C: Oui, et pour le coup c'était intéressant parce que WoW et Minecraft, c'est peut-être les deux jeux, bon ce n'est pas les seuls bien-sûr, mais ça fait partie des deux jeux pour lesquels on a vraiment énormément parlé de l'addiction. Pour WoW, je me souviens, quand j'étais au lycée on en parlait énormément. Je connaissais quelques personnes qui y jouaient pendant des heures et des heures, ce n'était pas pathologique mais c'était quand même beaucoup de temps. On a aussi beaucoup parlé sur Minecraft, du coup les mécanismes peuvent être assez différents mais on peut trouver certains points communs. Mais ça peut effectivement être intéressant d'écrire un article là-dessus, quels sont les critères qui ont pu jouer un rôle, et comment tu t'en es sortie aussi. Parce que ce qu'il faut bien savoir, c'est que dans ton cas, je veux dire, ce n'est quand même pas quelque chose de bien que d'avoir une addiction à ça, en soi toi ça va, tu t'en es sortie, mais il y en a qui peuvent avoir un peu plus de mal, quoi. Ça peut être un peu plus dans la douleur. Donc je pense que ça peut être intéressant dans ce sens là de partager ton expérience. Même si là, pour le coup, en te répondant, tu donnes presque l'impression que si tu n'avais pas joué à ce jeu, tu te serais peut être mise à la drogue, tu aurais peut-être fait un truc encore pire, parce que tu étais dans une situation où tu te posais énormément de questions et tu étais vraiment dans une impasse.

V: C'est plutôt que je ne me posais plus de questions.

C: Oui, donc au final, c'est vrai qu'en t'écoutant, ce n'est pas les réponses auxquelles je m'attendais mais j'ai plutôt envie de me dire « Et bah, heureusement qu'elle a joué à Minecraft, hein ! Parce que sinon, elle se serait peut-être mise au crack ! ». Mais c'est vraiment ça ce que je me suis dit spontanément.

– FIN – 

 

(*) : Hasard du calendrier, le JdG a justement sorti un Bazar du Grenier sur Minecraft la veille de parution de cet article.