Donjon ou la BD épique à la française

Bonjour à vous, je n'ai pas été très présente ces temps-ci parce que j'ai à la fois été pas mal occupée et complètement désoeuvrée jusqu'à la déprime, mon rythme de vie est chaotique au possible, et sans trop m'engager je vais essayer de poster un peu plus ces prochains jours parce que j'ai pas grand chose de mieux à faire ces temps-ci. Enfin bref.

L'héroïc-fantasy a longtemps été le parent pauvre de la BD française. Dans les années 70-80 on lui préférait la SF, et il a fallu attendre les années 90 pour voir le genre se démocratiser, notamment à travers le génial Quête de l'Oiseau du Temps de Loisel. On a depuis vu pléthores de séries fantasy, comme Lanfeust, Les Forêts d'Opal, Les Légendaires et j'en passe.

Une série apparue en 1998 a cependant marqué les esprits par son parti-pris très personnel, et cette série c'est Donjon de Lewis Trondheim et Joann Sfar. Mais d'abord, Donjon, qu'est-ce que c'est ?

Le 1er album que j'ai lu. Snif snouf ça nous rajeunit pas

A l'origine, Donjon est l'histoire d'un donjon (oui je sais, c'est étonnant) à travers trois époque, à savoir sa naissance, son apogée et son déclin. On suit les destins à travers  les âges des principaux habitants de celui-ci, notamment son gardien et ses acolytes. Les enjeux sont très différents selon la période. Les personnages sont des animaux anthropomorphes pour la plupart, ou des monstres souvent issus de l'Univers de la fantasy.

La série se déroule sur 7 séries parallèles situées sur chacune une période de temps différentes, avec presque 50 albums déjà sortis. A noter, fait rare, qu'il existe un manuel de JdR sorti assez tôt dans la série, assez difficile à trouver (je l'ai).

Le fameux manuel de jeu.

C'est bien beau tout ça, mais ça ne nous dit pas quelle est la grande spécificité de la série. Et bien, sa particularité tiens surtout à ses concepteurs. Trondheim, Sfar, et dans une moindre mesure des auteurs comme Larcenet, Blain ou encore Boulet sont membres ou proche de l'Association, un mouvement oubapien qui a fortement contribué à renouveler la bande-dessinée française à partir du des années 2000, en distillant une humour assez méta et un ton plus moderne, avec des enjeux souvent à la fois très terre-à-terre et résolument épique. Dans combien de série avez-vous son vieux héros guerrier aller aux toilettes à cause de son incontinence juste avant d'aller affronter le boss final ? Probablement aucune autre.

Une des grandes qualités de la série est son écriture impeccable, avec des personnages à la psychologie riche et étoffée sur des dizaines d'albums, ses évènements qui se recoupent d'un épisode sur l'autre et s'axent dans une grande cohérence; ainsi que son humour savoureux qui ne tombent jamais à plat, qui masque sous des traits cyniques un certain fatalisme et souvent une profonde mélancolie - certains albums sont d'ailleurs particulièrement sombres.

Un des albums les plus sinistres, et probablement un de mes préférés.

On ne peut pas passer sous silence la qualité du dessin qui varie grandement vu le nombre important d'illustrateurs différents. Chaque série a un illustrateur différent (qui finit par changer au fur et à mesure que le temps passe, le dessinateur voulant passer à autre chose), et la série Monster, concentré sur un personnage différent à chaque fois, a même un illustrateur différent à chaque album !

Cette série a plus de vingt ans et c'est toujours autant le feu, je ne peux que chaudement vous la recommander. Un conseil de lecture d'ailleurs : commencez par Donjon Zénith, puis Donjon Potron-Minet et enfin Donjon Crépuscule (comme pour Star Wars en fait : présent, passé puis futur). Cela étant, la série peut être lu de façon un peu éclatée sans trop de problème (à condition évidemment de lire les épisodes d'une même série dans l'ordre évidemment). Un jeu consiste de lire dans l'ordre chronologique en tenant compte des épisodes Monster situés un peu partout dans la continuité.

D'une certaine façon, Donjon est par son modèle de parution et ses différents illustrateurs ce qui se rapproche le plus de la logique des Comics de super-héros à l'américaine, mais avec un ton légèrement intellectuel typiquement français, ce qui en fait un OVNI dans la production hexagonale.

Bref c'est du tout bon, je suis absolument fan pour ma part, et je vous souhaite une bonne lecture !